jeudi 28 octobre 2010

Chronique de dissection : Le maquereau

Ce sont parmi les expériences les plus marquantes de l’enseignement ; souvent critiquées ou évoquées comme un traumatisme, les dissections n’en sont pas moins un remarquable exercice d’observation aux nombreuses vertus pédagogiques. Dans ces articles intitulés « chroniques de dissection » je reviendrai sur quelques TP de biologie animale de l’UPPA.

Le maquereau



Parasitisme à gogo !
Pour ce second TP nous passons dans le groupe des vertébrés avec le maquereau, poisson pélagique (de haute mer) relativement commun, qui fait l’objet d’une pêche industrielle. L’exploitation de se poisson gras (riche en omega3, vitamines A, et B) se fait bien sur à destination de l’Homme, mais également des élevages de saumons. Sachant qu’il faut 6kg de poissons pour « faire » 1kg de saumon, et qu’une personne meurt de faim toutes les 4 secondes dans le monde … cherchez l’erreur !

Ceci étant dit, les hommes et les prédateurs naturels du maquereau ne sont pas les seuls à l’exploiter en tant que ressource! Ainsi on trouve dans la cavité générale, de nombreux vers parasites de quelques millimètre de long, roulés en de petits cercles jaunes ou blancs opaques, ou formant parfois des kystes. Mentionnons par exemple le genre Anisakis, petit ver nématode, pouvant provoquer une forte réaction immunitaire lorsqu’il est consommé avec la chair crue des poissons.

Mais ces parasites ne sont rien en comparaison de celui découvert dans la cavité buccale d’un des maquereaux (photo). Il s’agit d’un crustacé isopode (toutes les pattes sont identiques) comme le cloporte) de la famille des Cymothoidae long de quelques centimètres. Pour l’identification exacte, le groupe DORIS : Données d'Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et de la flore Subaquatiques, a permis de conclure qu'il s'agit de Ceratothoa oestroides (Remerciements à Benjamin Guichard, vétérinaire spécialiste des pathologies des poissons, et Jean-Paul Trilles, Professeur spécialiste pour certains Crustacés). 

Ceratothoa oestroides

 [La cavité buccale du maquereau, et le crustacé parasite observé Ceratothoa oestroides: longueur environ 3 cm (Autres photos). Ce parasite "peut poser problème dans les élevages méditerranéens de bars et daurades, non pas tant par les lésions buccales qu'il provoque que parce qu'il empêche les poissons de s'alimenter normalement" indique B. Guichard.]

mardi 26 octobre 2010

Chronique de dissection : le criquet

Ce sont parmi les expériences les plus marquantes de l’enseignement ; souvent critiquées ou évoquées comme un traumatisme, les dissections n’en sont pas moins un remarquable exercice d’observation aux nombreuses vertus pédagogiques. Dans ces articles intitulés « chroniques de dissection » je reviendrai sur quelques TP de biologie animale de l’UPPA.


Pièces buccales et anatomie du criquet


Le sujet d’étude : Locusta migratoria
« Elles couvrirent la surface de toute la terre et la terre fut dans l'obscurité; elles dévorèrent toutes les plantes de la terre et tous les fruits des arbres, […] et il ne resta aucune verdure aux arbres ni aux plantes des champs dans tout le pays d'Égypte. »
La Bible, Livre de l'Exode 10, verset 16.

Le criquet migrateur, Locusta migratoria est une espèce d’insecte orthoptère faisant partie de la catégorie des locustes : c'est-à-dire les criquets grégariaptes (aptes à la vie grégaire, en essaim). C’est le cas également du criquet pèlerin ou du criquet nomade. Lorsque la densité de population est relativement faible, le criquet mène une vie solitaire et mange en quantité normale. Mais dans certaines conditions, lorsque la densité de population augmente, du fait de vent convergent, de la répartition des végétaux, ou de la concentration des pontes (80 à 100 œufs tous les 2 mois), les criquets forment un essaim. Sous l’effet de la sérotonine, la morphologie et le comportement du criquet changent alors radicalement : la coloration est plus vive, la prise alimentaire plus importante (chaque criquet mange son propre poids en végétaux chaque jour !), et le comportement est grégaire avec formation d’essaims pouvant dépasser plusieurs milliards d’individus.

Bien sur les conséquences sont désastreuses pour les cultures, l’essaim pouvant parcourir jusqu’à 200km par jour sous l’action des vents. Les criquets grégaires ne sont pas l’une des 10 plaies d’Egypte pour rien !
 
[Le criquet du désert, en phase grégaire à gauche et en phase solitaire à droite]

mercredi 13 octobre 2010

Les éponges de nos salles de bains

C’est un objet devenu rare mais que l’on trouvait facilement au côté d’une pierre ponce de Sicile sur le bord d’une baignoire à pied, d’une couleur plutôt brune orangée, avec une structure en alvéoles, et imbibée d’une odeur caractéristique de savon de Marseille, c’est l’éponge de toilette [Spongia officinalis, photo ci-contre]… Aujourd’hui notre image de l’éponge a bien changée, bien sûr il y a Bob d’un côté, et Scotch Brite de l’autre, munie de son grattoir à faire rougir un hérisson.


Le plaisir des systématiciens
Bob l’éponge cité en introduction, aura tout de même un mérite remarquable, malgré sa forme rectangulaire et sa maison ananas, celui d’inscrire dans l’inconscient collectif que les éponges sont des animaux et  non des végétaux. Cette question a en effet longtemps été un sujet de discorde au XIXème siècle. En effet, la vie fixée, l’absence de système nerveux bien définit ou de motilité  (capacité au mouvement) importante portent à croire que les éponges sont des végétaux. Cependant le mode de nutrition hétérotrophe, et les étapes du développement avec la présence de deux feuillets embryonnaires, indiquent  qu’il s’agit bien d’animaux à la vie fixée.

[Ci-contre: Bob l’éponge, héros de la série animée éponyme] 


Encore aujourd’hui les éponges sont un casse tête pour les systématiciens, avec des animaux aussi simples le nombre de caractères permettant d’établir une classification à l’intérieur du groupe est faible, et ne permet pas de définir des ensembles robustes d’un point de vue phylogénétique.  Heureusement les études moléculaires apportent de nouveaux caractères (notamment l’ARNr 18S) qui devraient permettre dans les années à venir de stabiliser la classification des éponges.  Actuellement les éponges sont classées en trois groupes : Les demosponges qui présentent des formes complexes (types leucon), les éponges hexactinellides, dont le « squelette » est siliceux et enfin les éponges calcaires (squelette calcaire).

[les éponges calcaires (à gauche) et les éponges hexactinellides (à droite), planche de H.Haeckel, 1904]