lundi 28 mars 2011

Parthénogenèse - vs - Reproduction sexuée.

Je vous en ai déjà entretenu lors du précédent article, la parthénogenèse est un mode de reproduction asexuée utilisant des gamètes femelles non fécondés. Grosso-modo, prenez un ovule, activez le et laissez-le se diviser jusqu’à obtention d’un "nouvel" individu.
La question que l’on peut se poser s’est pourquoi certaines espèces issues d’ancêtres à reproduction sexuée se sont soudainement  mises à produire des clones ? Car c’est là, la plus grande conséquence de la parthénogenèse, les individus sont tous des clones, c'est-à-dire qu'ils possèdent le même patrimoine génétique ! 

[Reproduction asexuée ne veut pas dire sans sexualité, Ci contre deux lézards femelle de l'espèce parthénogénétique Cnemidophorus uniparens simulent un accouplement. Les rôles de mâles et femelles changent toutes les 2 à 3 semaines en fonctions du cycle hormonal.]





  • Avantage au nombre, ou le poids démographique des mâles.
La reproduction asexuée permet la production rapide d’un grand nombre d’individus. Elle évite en effet les tracasseries causées par les mâles qui ne sont, avouons-le, que perte de temps et d’énergie : En effet si la quête d’un individu du sexe opposé, ou les diverses parades amoureuses, sont assurées par le mâle, c'est malgré tout la femelle qui assure à elle seule la plus grande part du coût de la reproduction sexuée en dédiant une grande partie de ses ressources à la procréation de 50% de mâles dans la population. Si les mâles deviennent facultatifs à quoi bon les produire ? Envisageons cette hypothèse avec un exemple :
[Soit deux espèces proches, pour lesquelles la femelle produit à chaque génération systématiquement 2 individus, mais dans un cas elle produit deux femelles par parthénogenèse, et dans l’autre cas elle donne naissance à un mâle et une femelle (statistiquement) issu de la reproduction sexuée.
Si l’on prolonge ce schéma sur plusieurs générations, chaque femelle donnant à son tour 2 individus, soit 2 femelles, soit 1 femelle et un mâle, on obtient au bout de 10 générations 1024 individus pour la reproduction asexuée (210), et seulement 2 individus pour la reproduction sexuée… ]

La parthénogenèse parce qu’elle évite la production des mâles, écrase donc littéralement et à très court terme la reproduction sexuée par son efficacité d’un point de vue démographique. Comment-se fait-il alors que 95% des espèces pratiquent toujours la reproduction sexuée ?
- Parthénogenèse  1 / Reproduction sexuée 0 -


  • Avantage à la diversité, ou l’utilité relative du sexe sur le long terme.
Le maintien de la reproduction sexuée trouve une première explication dans l’idée qu’elle apporte une grande diversité génétique. Et oui, le mécanisme conduisant à la production des gamètes (la méiose) permet de produire chez l’Homme plus de 64 milliards de gamètes différent ! Ceci associée à la rencontre aléatoire des gamètes assure la création d’un individu génétiquement unique à chaque génération. La « procréation sexuée »  est donc comme l’a formulé François Jacob « une machine à faire du différent ». Et le différent c’est bien ! La variation inter-individuelle  héréditaire constitue en effet le terreau de la sélection naturelle. Sans variation, il n’y a pas de sélection possible et donc pas d’adaptation. Si l’environnement reste constant ce qui est le plus souvent le cas à court terme cela ne pose pas de problème,  mais en cas de changement les espèces parthénogénétiques ne présentent pas le "pool" de diversité génétique leur permettant de s’adapter.
   [Ci dessus, la parade nuptiale du fou à pieds bleus Sula nebouxii... un probant résultat de la machine à faire du hmm "différent" ...]

Cet avantage n’est toutefois que relatif car il n’est valable que sur le long terme, et la sélection naturelle s’effectue à l’échelle d’une génération. Nulle conscience divine n’est là pour prendre en compte des effets bénéfiques à long terme, mais couteux à brève échéance...
- Parthénogenèse  1 / Reproduction sexuée 0 -

  • Le bénéfice à court terme : l’exemple des pucerons.
Si la procréation sexuée se maintien c’est donc qu’elle procure bien un avantage à court terme. Quelques  exemples sont susceptibles de fournir une explication qui nous allons le voir sont liées à des contingences bien éloignée du mécanisme même de la reproduction sexuée... 

 Chez certaines espèces de pucerons (aphidés) la reproduction se fait par parthénogenèse à la belle saison. Les individus issus d’ovules non fécondés se développent à l’intérieur même du corps de leur mère. dont il sortirons entièrement formés. (photo) Il peut même arriver que deux générations soit présente de le corps d’un seul individu. Bref la production démographique est énorme  (théoriquement 524 milliards d'individus par an chez Aphis fabae) et les ressources sont exploitées au maximum par des individus dont l'une des particularité est l'absence d'ailes. On a là un bel exemple d'espèce à "stratégie r" axé sur la reproduction plutôt que sur la survie.

Il n’y a que deux cas où les femelles commencent à produire des mâles : lorsque les ressources s’épuisent, et lorsque l’hiver arrive. Dans le premier cas l’apparition d’individus ailés pouvant effectuer la reproduction sexuée permet la dispersion sur une nouvelle plante. Dans le second cas les œufs pondus issu de la reproduction sexuée constituent une forme de résistance au froid, apte à passer l’hiver en attendant le retour des beaux jours… Résistance, et dispersion sont ici deux exemples d'avantages à court termes liés à une reproduction sexuée qui se produit au moins une fois par an.
- Parthénogenèse  1 / Reproduction sexuée 1 -
Match nul !

Cet exemple des pucerons traité notamment par S.J.Gould dans le recueil « Darwin, et les grandes énigmes de la vie » nous montre une fois de plus que l’idée d’une sélection naturelle conduisant directement  à une solution optimale qui serait ici la reproduction sexuée est à rejeter. L’évolution procède en réalité plus du « bricolage improvisé » que du « plan d’architecte » et l’Homme parce qu’il cherche l’idée, la morale ou la conscience là où il n’y en a pas, est souvent prompt à se fourvoyer. Il n'y a donc ni gagnant ni perdant dans ce duel mais juste un ensemble de solutions possibles au problème de la reproduction.


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5 comments:

Sayane a dit…

Voici un blog bien instructif. Petite question: travaillez-vous à ce blog en complément de vos cours ? Je n'ai pas toujours eu des profs aussi impliqués dans leur matière...BRAVO

Jean-Philippe a dit…

Oui, sur le peu de temps libre que je peux avoir, mais je compte bien augmenter la fréquence des articles à partir de cet été.
Merci pour le compliment!

manOn a dit…

J'en retiens que les mâles, qui causent des tracasseries aux femelles, leur font perdre du temps et de l'énergie. Mais ils sont quand même utiles, parfois, et à court terme. : )

Anonyme a dit…

Je ne comprends pas en quoi l'exemple du puceron nous montre un avantage de la sexualité. Ce n'est pas le fait de faire du sexe qui est ici avantageux mais la production de formes différentes. On pourrait alors très bien imaginer que les aphides continuent à se reproduire par parthénogénèse tout en produisant des formes ailées ou résistantes à la mauvaise saison.

Thieum66

Il me semble qu'un vrai avantage du sexe,qui fonctionne à court terme, est qu'il évite la dépression de consanguinité.

bruno de vergeron a dit…

il m'a été rapporté que le 1er parthenote humain a été obtenu en 1969

je ne retrouve pas de tels faits qui pourtant sont de source très haut niveau ..la seule reference que je trouve est celle du Pr Sud Coréen qui aurait obtenu des cellules souches humaines par parthenogénèse , introduisant une confusion en assimilant ce resulta à un clonage défini comme un transfert de noyau dans un ovocyte enucléé . Mais le tparthenote est bien un individu de m^me patrimoine genetique que l'ovule activé : mes coordonnées vergeronbruno@netcourrier.com

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