jeudi 29 mars 2012

Un tricératops au top...


Étant gamin mon seul dinosaure en plastique était un tricératops. Je savais que cette espèce était végétarienne et je faisais donc passer des boulettes de mie de pain dans sa gueule pour le nourrir. Quand aux cornes qui ornaient son front elles servaient bien évidemment à se défendre dans d'impitoyables combats contre le premier jouet à portée de main faute de tyrannosaure...

Sauf que ça c'est la version dessin animé, les gentils contre les méchants et autres fadaises. Car vous vous en doutez pour cette semaine spéciale "sexualité des dinosaures" (organisée par strip-science), et après l'article de Taupo sur les combats chez les sauropodes, je ne viens pas vous parler des fonctions défensives des cornes de tricératops... Si vous n'avez pas encore deviné l'usage potentiel des cornes de tricératops, cette petite vidéo devrait vous mettre la puce à l'oreille...
[Vidéo filmée avec une camera à haute vitesse montrant les combats entre mâles chez le bœuf musqué Ovibos moschatus. Si vous êtes pressés, avancez vers 1min... ça vaut le coup d’œil !]



Du bon usage des cornes chez le tricératops...
Et oui à la manière des bœufs musqués, ces paisibles herbivores, les tricératops mâles utilisaient très vraisemblablement leurs cornes dans des combats avec leurs rivaux. C'est en tout cas la conclusion de paléontologistes qui ont comparé la répartition des marques de blessures sur les os composant le cranes de deux genres de cératopsiens (la famille du tricératops):
  • Le Tricératops qui présente deux imposantes cornes frontales et une petite corne nasale.
  • Le Centrosaurus qui comme son nom l'indique présente une grande corne nasale et deux petites cornes frontales.
La prédiction étant la suivante: si les cératopsiens utilisent leurs cornes dans des combats entre conspécifiques, le "pattern" des marques laissé par ces combats sera bien particulier, selon la disposition des cornes. A l'inverse si les cornes sont utilisées uniquement dans la défense contre les prédateurs le pattern sera aléatoire.

La conclusion est la suivante: les tricératops sont des gros durs qui adorent se taper la tête et s'entremêler les cornes, tandis que les centrausorus seraient plus friands des bourrades latérales avec fractures costales à la clé...


[Tricératops (à gauche) et Centrosaurus (à droite) - deux représentants cératopsiens - imaginés lors de combats entre mâles.]



Et la collerette dans tout ça ?
[Merci à l’excellent Grégory Michnick (l’auteur des "histoires naturelles de Charles Darwin" et "Star- & Sciences") pour cette sympathique contribution à notre semaine spéciale sexualité des dinosaures.]

Pour l'instant, on ne peut que formuler des hypothèses plus ou moins argumentées par le registre fossile (c'est là toute la frustration du paléontologue). Voici les principales hypothèses donc:
  • Fixation des muscles de la mâchoire: Le triceratops est un brouteur plutôt « taille haie » que « tondeuse à gazon ». Avec un bec corné digne d’un coupe branche et des dents jugales broyeuses à faire pâlir la vache Milka, les muscles de sa mâchoire sont particulièrement développés, et doivent s’ancrer sur un solide point d’appui : la collerette.
  • Thermorégulation: Des traces de vaisseaux sanguins sont visibles sur les os de la collerette, laquelle représente une grande surface. On peut donc imaginer une fonction thermorégulatrice à la collerette.
  • Protection lors des combats: Avec une épaisseur parfois importante et une surface couvrant les vertèbres cervicales, la collerette constitue une défense efficace faces aux attaques de prédateurs ou lors des combats entre mâles rivaux.
  • Caractère sexuel secondaire "ornemental": Dans la compétition pour l’accès au partenaire sexuel, il ne s’agit pas uniquement d’éloigner ses rivaux du même sexe (compétition intrasexuelle), il faut également séduire la femelle (compétition intersexuelle)… Et pour prouver sa valeur rien de tel qu’une collerette bien voyante fièrement exhibée lors d’hypothétiques parades amoureuses…
[Collerette et sélection sexuelle... Rien que nous ne connaissions pas déjà !]

Bien sur, et je vais y revenir, ces fonctions différentes ne sont pas exclusives. On peut tout à fait imaginer la collerette comme une sorte de bouclier dont la vascularisation variable permet aussi bien la communication au sein du troupeau que la thermorégulation…



Bling Bling et exaptation...
Voilà on a donc chez le sympathique tricératops, deux aspects de la sélection sexuelle :

Premièrement les armements, ici représentés par les cornes, qui sont utilisés pour la compétition entre mâles et permettent d’établir une hiérarchie au sein du troupeau probablement de type "harem" comme chez beaucoup de grands mammifères herbivores. Ces armements sont utilisés lors de combats ritualisés ou l’intimidation joue un rôle essentiel. Il faut bien comprendre qu’aucun des deux rivaux n’a intérêt à être blessé, donc si les combats peuvent être évités ou limités à quelques chocs, tant mieux ! Bref même la plus belle des femelles tricératops ne vaut pas la peine de mourir pour elle !

Deuxièmement les ornements, ici représentés par la collerette, ils sont sensés constituer un signal honnête de la qualité du mâle. Et oui les femelles tricératops sont de bonnes mères comme en témoignent les nids fossiles de « bébés tricératops » qui ont pu être retrouvés. Cela signifie qu’elles investissent beaucoup d’énergie dans la reproduction avec des soins parentaux par exemple. Avant de se lancer dans un tel investissement mieux vaut réfléchir au bon partenaire… Il en résulte chez les mâles une sélection d’attributs toujours plus exubérants qui sont autant d’arguments pour gagner les faveurs des femelles.
[Un nid de jeunes tricératops (pour voir d’autres photos c’est par ici : lien]

Quand la fonction de départ est détournée: l'exaptation
Chez les premiers cératopsiens la collerette est plutôt fine, ce qui laisse supposer que sa fonction initiale n’est pas vraiment la protection lors des combats, mais plutôt la communication ou la thermorégulation. Mais dès lors que chez certaines espèces les mâles se mettent à utiliser leurs cornes lors de combats rituels, la fonction initiale de la collerette peut être détournée ou plutôt « enrichie ». Les mâles qui présentent une collerette plus épaisse subissent moins de dommages lors des combats et ressortent plus souvent vainqueur, ils se reproduisent plus et une collerette épaisse est alors sélectionnée.
Certaines structures sont donc des sortes de "couteaux suisses" évolutifs dont la fonction initiale peut être détournée pour une nouvelle fonction. Ce bricolage évolutif « on fait avec ce qu’on a », est décrit sous le terme « d’exaptation » par Gould au début des années 80. Il en va probablement de même avec les plumes dont la fonction initiale n’avait rien à voir avec le vol…

Ainsi l’imaginaire de l’enfant est sauf, grâce à l’exaptation, la gentille maman tricératops peut continuer d’utiliser cornes et collerette pour défendre sa progéniture du vil tyrannosaure lors de combats épiques !
 Merci à Alain Bénéteau pour ses illustrations magiques qui me font toujours rêver !
(Membre de strip science à retrouver ici)

[Arnaud Plumeri (scenariste) et Bloz (dessinateur) nous proposent également cette planche extraite la BD « Les dinosaures en bande dessinée ».]


[Et termine avec la pointe d’humour de Jul et son Dinobook.]

Suite de la semaine "Sexe et Dinosaure" demain sur SSAFT avec le très attendu Kamasutra des dinosaures !!! Et n'oubliez pas retrouvez tous les dessinateurs sur Strip-Science.

Sources pour l'article:




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