lundi 29 octobre 2012

Où commence la mort ?

Article publié dans le cadre de la semaine thématique sur la mort organisée par le c@fé des sciences. Retrouvez cet article et tous les autre sur le blog "Thema" du c@fé des sciences.

Plusieurs étapes marquent le début d'une vie: la première inspiration à l'accouchement, ou encore les premiers battements cardiaques seulement 22 jours après la fécondation. Ces mêmes signes vitaux sont, lorsqu'ils disparaissent, l'alarmante annonce d'une vie qui s'en va. C'est par ces deux signes qu'est donc décrite la mort dans nos culture, comme le fait ci bien Chateaubriant dans ses "Mémoires d'outre-tombe" (1848) pour décrire la mort de sa compagne Pauline de Beaumont. Petit extrait...
"Une de mes mains se trouvait appuyée sur son cœur qui touchait à ses légers ossements ; il palpitait avec avidité comme une montre qui dévide sa chaîne brisée. Oh ! moment d’horreur et d’effroi, je le sentis s’arrêter ! Nous inclinâmes sur son oreiller la  femme arrivée au repos ; elle pencha la tête. Quelques boucles de ses cheveux déroulés tombaient sur son front ; ses yeux étaient fermés, la nuit éternelle était descendue. Le médecin présenta un miroir et une lumière à la bouche de l’étrangère ; le miroir ne fut point terni du souffle de la vie et la lumière resta immobile. Tout était fini. "
[ Chateaubriant avec sa compagne Pauline de Beaumont à la fin de sa vie en Italie. Son état n'était pas billant dirons certains, elle meurt à 35 ans d'une forme de tuberculose. ]

Cependant la science a récemment crée un fossé important entre ces signes vitaux admis comme tels dans nos cultures, et la mort légale ou médicale en créant notamment l'état artificiel de mort cérébrale.  Ainsi une personne qui ne respire plus n'est pas forcément morte, de même qu'une personne en arrêt cardiaque n'est pas considérée comme morte (Un grand merci aux défibrillateurs !). A l'inverse l'absence irréversible d'activité cérébrale constitue le critère médico-légal de la mort pour l'OMS et ce bien que le battement cardiaque et la respiration puissent être maintenus.


Cette nouvelle définition de la mort a des implications éthiques importantes. Des concepts comme "le souffle de vie", ou du cœur comme "siège de l'âme" ont laissé des traces dans nos sociétés qu'on ne peut effacer d'un trait de crayon. C'est sans doute ce qui explique que certaines familles refusent le don d'organe d'un proche en état de mort cérébrale. Son corps est chaud, sa cage thoracique se soulève régulièrement, le cœur bat encore, comment croire alors que tout est fini ?
Une collègue à mon travail se posait la question de savoir si le cœur d'une personne en état de mort cérébrale était greffé sans qu'il cesse de battre ? La réponse est non, pas pour des raisons éthiques mais pour des raisons pratiques seulement. On injecte en effet une solution riche en ions potassium (liquide de cardioplégie) au moment du prélèvement du greffon qui stoppe le battement cardiaque.  Ceci afin de faciliter le travail du chirurgien mais aussi pour diminuer la consommation de dioxygène du cœur pendant le temps de transport, qui doit être inférieur à 3H. A vrai dire si le donneur et le receveur étaient dans le même bloc, le cœur ne cesserai de battre que quelques minutes au maximum. Dans tous les cas une partie du donneur continue de vivre à l'intérieur du receveur...


Si nous avons envisagé le cas d'un "esprit mort" dans un "corps vivant" ou maintenu vivant, certains sont prêts à envisager l'inverse. Ils sont pour la plupart transhumanistes et imaginent qu'à une échéance plus ou moins proche la dissociation du corps et de l'esprit pourrait bien être totale. L'information contenue dans nos cortex en activité, étant envisagé comme téléchargeable sur un autre support physique plus durable... autrement dit une "machine". Il va s'en dire que si une telle technologie voie le jour elle risque de poser des problèmes éthiques autrement plus importants que ceux posés par le don d'organe.
[La détermination du connectome -plan complet des connexion neuronales d'un cerveau- grâce à des marquages de type "brainbow" permettra-t-elle de reproduire notre conscience "in silico" et d'echapper ainsi à la mort ...?]

Notre vie se résume-t-elle donc à la somme des informations conscientes ou inconscientes de notre esprit ? La vie elle-même doit-elle être définie comme une forme d'information apte à se reproduire? Pour ma part je considère que cette dichotomie corps/esprit n'est qu'une vieille résurgence du concept d'âme adapté à nos sociétés. J'estime en effet que mon corps conditionne la personne que je suis autant que mon esprit. Sans doute ces transhumanistes sont-ils un peu complexés par leur modestes corps pour vouloir héberger ailleurs leur egos d'Hommes augmentés.  

à vos commentaires...


N'oubliez pas d'informer vos proches si vous êtes donneur d'organes...
http://www.dondorganes.fr/
Vous pouvez demander une carte symbolique gratuitement ici : http://www.france-adot.org/demande-carte-donneur.html


Quelques articles sur la transhumanisme:


4 comments:

le bLoug a dit…

Rien que pour Chateaubriand, merci pour ce billet !
Quant aux transhumanistes, je citerai cette évidence de Ivan Illich : "si nous supprimons l'expérience du mal [la mort], nous supprimerons du même coup l'existence du bien."

Xochipilli a dit…

Dans "Le sentiment même de soi", Damasio explique bien à quel point nous sommes dépendants de nos sensations corporelles pour la construction de nos émotions et notre identité.

Par exemple, les malades atteints du syndrome de "locked in", qui coupe leur cerveau du reste du corps, sont insensibles à l'angoisse de leur situation, dans un état surréaliste de sérénité et de calme. Presque étrangers à eux-mêmes. "Leur cerveau ne dispose plus de la scène émotionnelle que le corps lui fournissait" dit joliment Damasio.

Imaginer qu'on puisse comme dans Avatar reprogrammer un cerveau sans le corps qui va avec n'a donc pas vraiment de sens...

Berthoise a dit…

Je n'ai pas tout compris, mais je me sens malgré tout moins bête.

Anonyme a dit…

Merci pour ce billet qui tombe a pic, qu'est ce que la mort pour la toussaint.

"Pour ma part je considère que cette dichotomie corps/esprit n'est qu'une vieille résurgence du concept d'âme adapté à nos sociétés."

Cette phrase me questionne: qu'est ce que l'ame? est ce que la dichotomie corps/esprit est adaptee a notre mode de vie? Je pronerai bien l'inverse. Dans une societe ou les gens ignorent leur corps au point de se reveiller avec du cafe, s'endormir avec des cachets, ou bien encoreoublier de manger quand on a faim, faut il encore donner une medaille a cette idee? Ne vaudrait il pas mieux aider les gens a au contraire reconnaitre que leur esprit vit dans ce corps et stock des information partout, pas seulement dans le cerveau...

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